L’Abbé MIROY – le premier résistant rémois à l’envahisseur date de la guerre de 1870


Il s’appelle Charles Eugène Miroy (1828-1871), prêtre marnais, fusillé par les Prussiens le 12 février 1871

 

Originaire de Mouzon dans les Ardennes, il administre le village de Cuchery dans la montagne de Reims au moment de la déclaration de la guerre avec les Prussiens. Les habitants de Cuchery prennent des positions diverses vis-à-vis de l’ennemi : certains subissent passivement, d’autres collaborent pour essayer de profiter de la situation, d’autres enfin essaient de résister.

L’abbé Miroy a pris ce dernier parti : il pensait que « la qualité de citoyen ne s’efface pas devant l’état de prêtre » ; et quand il faut cacher quelques fusils pour les soustraire à la réquisition prussienne, il propose l’autel de son église. L’opération se fait de nuit, avec quelques amis, discrètement, mais pourtant, le lendemain, l’abbé reçoit une « menace de dénonciation de détention illégale d’armes de guerre ». (Le drame de Cuchery, Henri vidal.)

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L’église de Cuchery, village de la Montagne de Reims

 

Quelques jours s’écoulent, les fusils disparaissent mystérieusement après le vol des clés de l’église. Sur ces entrefaites, un détachement prussien venu pour une nouvelle réquisition essuie, le 6 février 1871, quatre ou cinq coups de feu isolés qui ne tuent ni ne blessent personne mais qui exaspèrent les Prussiens. Ils menacent d’incendier le village si les auteurs des coups de feu ne leur sont pas remis. Les habitants prennent peur et l’abbé est accusé. Par qui ? Il est emmené à Reims, tenu au secret, jugé et fusillé contre le mur du cimetière du Nord. Le maire de Reims, Simon Dauphinot, et l’archevêque Landriot, ne seront informés qu’après l’exécution.

S’il faut en croire le journal La vie à Paris du 6 octobre 1909, le professeur d’allemand de Saint-Marceaux a servi d’interprète pendant le procès de l’abbé Miroy et il rapporte le dialogue suivant:

— C’est vous qui avez caché ces fusils sous l’autel ?
— C’est moi.
— Pourquoi les aviez-vous mis là ?
— Pour les distribuer aux paysans et pour nous en servir pour vous chasser de chez nous si nous l’avions pu !
— Vous n’avez aucun repentir de votre acte criminel ?
— Criminel ? Dites naturel ! J’en suis fier et je recommencerais si j’étais libre !

Le professeur vient voir Saint-Marceaux, alité souffrant de douloureux rhumatismes articulaires, et, écrit le journaliste, « Saint-Marceaux bondit au récit, quoique malade, court à la terre glaise et pétrit pendant que le professeur raconte l’attitude du jeune prêtre ».

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Quand l’exécution du prêtre de Cuchery se répand en ville, l’émotion et l’indignation montent et quelques personnes lancent une souscription pour élever un monument à la mémoire de cette mort injuste, violant l’armistice signé le 29 janvier. Le docteur Adolphe Hanrot propose à Saint-Marceaux de se charger de cette commande.

Rentré à Paris en octobre 1871, l’artiste laisse de côté la figure d’arlequin qu’il avait esquissée et se met à « l’abbé Miroy ».

Terminée en 1872, la statue est admise au Salon, mais, déception !… Thiers, chef du gouvernement, demande à Saint-Marceaux ainsi qu’à quelques autres artistes de renoncer à exposer, pour ne pas irriter les occupants, tout en ayant droit aux récompenses. C’est heureux, car le jeune sculpteur se voit attribuer la médaille de sculpture de 2e classe.

Le monument est inauguré au cimetière du Nord le 17 mai 1873, sans son auteur qui séjourne pour la deuxième fois en Italie. Étaient présents les officiels civils et militaires : conseillers municipaux, officiers, magistrats, les représentants des souscripteurs et les parents de l’abbé Miroy. Le maire, Victor Diancourt, prononça un discours digne et ferme :

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« Sa figure, endormie dans la mort, n’est ni farouche, ni menaçante : elle n’est pas l’image de la colère ; elle n’est pas non plus celle d’une lâche résignation;c’est celle de la protestation du droit et de l’humanité, protestation d’autant plus ferme qu’elle est plus calme, qu’elle ne se dépense pas en menaces et en paroles, et que, sans braver la force triomphante, elle n’abdique pas devant elle… Ce sentiment, qu’un artiste distingué, qu’un enfant de Reims dont nous sommes déjà fiers, a su traduire dans son œuvre, ceux qui en ont eu l’inspiration et l’initiative, le partageaient avec lui… »

 

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La statue couchée en bronze de 2 mètres de long et de 0,80 mètre de large n’est plus sur la tombe de l’Abbé Miroy depuis 2006, pour cause de sécurité. C’est une heureuse initiative si elle ne privait pas la population depuis si longtemps du symbole du cimetière du Nord, petit père Lachaise de Reims.

 

Un hommage municipal au titre des combattants morts pour la France est célébré sur le socle de la tombe.

 

Après l’absence au Salon de 1872, la disparition de 2006 a privé une deuxième fois le public du gisant de Charles Miroy par René de Saint-Marceaux.

 

 

La statue est réapparue en 2014 et 2015-16, le temps d’une exposition au musée des Beaux-Arts de Reims. La voici remisée à nouveau dans les réserves de ce musée.

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Quand les Rémois et Champardennais retrouveront-ils cette œuvre dont la présence est aussi nécessaire à leur mémoire collective que n’importe quel monument de la région ? Ne la  laissons pas enterrer une troisième fois!

 

 

Lucette Turbet
Octobre 2016 modifié février 2017.

 

Bibliographie

Bibliographie manuscrite de René de Saint-Marceaux par sa Mère Mme Alexandre de Saint-Marceaux, document du Musée des Beaux-Arts de Reims, sans date précise ;
— Article du journal L’Indépendant rémois du 18 mai 1873 ;
Le drame de Cuchery, Henri Vidal, 1873, Bibliothèque Carnegie
— Article du journal La vie à Paris du 6 octobre 1909 ;
Souvenirs du Maire de Reims, Simon Dauphinot, 1904,

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