Arlequin ou la vie mystérieuse d’une statue – 2ème partie


L’Arlequin en plâtre présenté par René de Saint-Marceaux au Salon de 1880 a eu un succès retentissant après le scandale du matériau taché et du pantalon trop moulant.

 

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Réduction Arlequin – Décoration maison

 

 

Cette statue plait tellement que chacun veut posséder le regard pétillant, la batte prête à rosser et le sourire railleur de ce personnage du théâtre italien.
Chaque foyer veut sa reproduction en 35 ou 70 cm dans son salon ou sur le buffet de sa salle à manger.

 

 

 

 

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– Il faut donc réduire le plâtre original qui mesure 1,70 m ?
– Eh oui, mais à partir de 1850, c’est facile avec le pantographe et peu coûteux avec la fonte au sable.

– Alors le sculpteur est d’accord pour reproduire en grande quantité ? Ça doit lui rapporter de l’argent !
– Non, avant 1902, l’œuvre du sculpteur n’est pas protégée, contrairement aux tableaux des peintres ou aux écrits des romanciers ou poètes.

– Ce n’est pas juste !
– En effet, les sculpteurs -et les architectes- ne sont pas considérés comme des artistes des Beaux-Arts mais des artisans des Arts Décoratifs. La loi du 11 mars 1902 sur la propriété artistique et littéraire ajoute simplement ces deux disciplines – sculpture, architecture- au texte de 1793. Et leur protection juridique est assurée!

– Et l’Arlequin de 1880 a pu être protégé des contrefaçons ?
– Après 1902, oui, mais avant 1902, c’était le contrat d’édition avec le fondeur qui s’appliquait; c’était une protection minime qui obligeait les faussaires à détruire leurs exemplaires.

– Et à payer des dommages et intérêts pour réparer l’atteinte à la réputation de l’artiste ? Vu les horreurs qu’ils vendaient !
– Non, c’est pourquoi la loi a été un grand progrès qui a réjouit les statuaires.

 

En 1885, le non-respect du contrat d’édition passe devant le tribunal quand on réussit à intercepter les faux et leurs auteurs. Le rémois Eugène Dupont, ouvrier bonnetier écrivain, rapporte le procès de malfrats dans sa bonne ville : »L’Arlequin est l’objet d’une contrefaçon de la part de trois marchands de plâtre colorié : Bernardini, Giovanni et Pomery (ou -roy), tous trois poursuivis, sont condamnés à l’amende » cf La Vie Rémoise, Jean-Yves Sureau.

 

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Faux Arlequin vendu sur internet en 1995

 

René de Saint-Marceaux, interrogé par Paul Darzac en 1900, disait combien il avait souffert de ces mauvaises copies de son oeuvre : « Mon Arlequin s’est vendu et se vend encore dans la rue, par le monde entier, et je n’en suis pas plus fier pour ça  : car ces surmoulages grattés que vendent les gamins, ce sont d’infâmes imitations. Cette industrie est le vol le plus manifeste, le plus évident, et nous n’y pouvions rien jusqu’à aujourd’hui. » Il souligne la ruse des fraudeurs : « Ces bonshommes-là ont toujours deux moules, dont un chez un ami, pour parer à tout accident. »

La copie en art pose deux problèmes essentiels : celui de la parfaite ressemblance ou identité et celui de la légalité. Ils se posent toujours à notre époque. L’authenticité, elle, ne supporte que l’objet unique. Est authentique ce que produisent les mains de l’artiste; le statuaire peut produire plusieurs « objets » semblables, ils seront et sont authentiques puisqu’ils gardent la marque du geste créateur.

 

 

– Le plâtre est déjà un moulage, alors ?
– Oui, et on peut tirer plusieurs moulages du modèle en argile.

– Et pour l’Arlequin, sait-on s’il y a eu plusieurs plâtres grandeur nature ?
– Nos recherches dans les documents d’époque et le croisement de nombreuses sources nous inclinent à répondre que oui. L’Arlequin du Musée des Beaux-Arts de Reims n’a pas été le seul tiré de la terre originale.

– Où sont les autres ?
– C’est plus difficile de répondre. Peut-être un au musée de Bucarest, un dans la famille de Vendel ou Weindel. Nos demandes, lettres et recherches n’ont pas eu d’échos.

– En tout cas, celui de Reims est bien là, nous l’avons vu dans l’exposition du musée des Beaux-Arts de décembre 2015 à février 2016.

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Arlequin plâtre – Exposition au Musée des Beaux-Arts de Reims

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L’Arlequin considéré comme un monument de Reims

 

Eugène Dupont nous indique en cette année 1880 que le 2 octobre, la Société des Amis des Arts a ouvert ses expositions et a offert aux regards des Rémois « les produits picturaux de 800 exposants. Véritable avalanche sur nos têtes ! »  Le chroniqueur salue les envois de peintres locaux et ajoute « Notre célèbre compatriote René de Saint-Marceaux offre à sa ville natale une reproduction en plâtre de son illustre ARLEQUIN et la Municipalité lui fait une chaleureuse réception à l’Hôtel de Ville , le 15 juillet, à l’occasion de sa nomination dans la Légion d’Honneur. Les Pompiers et les Tonneliers le réaccompagneront en musique … »

 

 

L’Arlequin, comme le Gisant de l’Abbé Miroy, s’est inscrit dans le patrimoine rémois au même titre que la Porte Mars, le Cirque ou la Cathédrale. Le Journal Illustré du 2 novembre 1884 consacre une page complète aux différents monuments ; un paragraphe présente chacun d’eux et c’est Eugène Morand qui décrit l’Arlequin : « Arlequin tient de la comédie italienne par le costume et de la comédie française par l’entrain et la gaieté … Il vient de la patrie du champagne, patrie d’un art nouveau, fringant et charmant, comme le vin doré qui pétille dans les coupes de cristal, et dont Reims fournit chaque année 15 millions de bouteilles aux viveurs délicats. »…

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La suite sera pour le prochain numéro, avec les modèles en marbre et en bronze, dont chacun a une histoire remarquable. J’avais à l’origine prévu de présenter un texte en deux parties mais le sujet m’entraîne. Au prochain et dernier numéro  donc, puisqu’il faut savoir s’arrêter !

 

Lucette Turbet

présidente de l’association Saint-Marceaux

Pour marque-pages : Permaliens.

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